4. Ventilation

4.1. Pourquoi ventiler ?

Il pourrait paraître contradictoire d’isoler parfaitement la maison pour ensuite l’aérer “artificiellement”. C’est un sentiment largement partagé que révèle une récente enquête réalisée auprès de la population flamande[1] : beaucoup de gens sont convaincus qu’il existe un problème de surisolation, sans doute à cause de la présence de moisissures etc.

Il n’en est rien. L’isolation thermique et la ventilation sont deux choses bien distinctes et ont des fonctions différentes. Il est vrai cependant qu’une bonne isolation ne peut être mise en œuvre qu’avec un bon système de ventilation car l’isolation d’un bâtiment, quand elle est bien faite, le rend toujours plus étanche à l’air. Or, si l’air vicié n’est pas évacué et remplacé par de l’air frais, des problèmes d’humidité, de condensation et de moisissures se poseront immanquablement. Cependant, ceux-ci ne seront pas dus à une isolation excessive, mais à un défaut de ventilation.

fig062 Figure 62 : Liens entre isolation, étanchéité à l’air et ventilation. (Source : La ventilation mécanique, guide pratique pour les installateurs de techniques spéciales, DGTRE et FFC, 2004)

Un air de bonne qualité est l’une des exigences fondamentales nécessaires à un climat intérieur sain, que ce soit dans une maison passive ou dans une maison “conventionnelle” ; cela implique aujourd’hui un système de ventilation performant, qu’il soit mécanique ou naturel, comme l’explique la figure 63.

4.1.1. Hygiène

La ventilation est indispensable pour évacuer les substances gênantes et nocives (provenant des matériaux de construction, peinture, colle, tapis, meubles, fumée de tabac, produits d’entretien, odeurs de cuisine…). Le renouvellement continu de l’air empêche également que se forme une concentration en CO2 trop importante.

Une ventilation mécanique permet également le placement de filtres à l’entrée d’air frais, dans le but de maintenir les conduites propres et de purifier l’air neuf, ce qui crée donc un climat intérieur sain avec beaucoup moins de polluants atmosphériques tels que pollens, poussières, particules de carbone etc. C’est tout bénéfice pour les personnes allergiques et les enfants en bas âge, mais cela requiert une discipline d’entretien.

4.1.2. Éviter la condensation

La ventilation permet d’éviter les problèmes d’humidité, chose utile pour ne pas nuire à la santé des occupants et à la salubrité des bâtiments (dégradation par la condensation, les moisissures,…). Cela se traduit également par exemple par l’absence de buée sur les miroirs de la salle de bain.

4.1.3. Avantages

Du point de vue du confort quotidien, on appréciera l’air frais distribué en permanence dans la maison et la dissipation rapide des odeurs, la moindre quantité de poussière etc. Le fait de ne pas devoir ouvrir les fenêtres pour aérer permet d’éviter les nuisances acoustiques extérieures (circulation, autoroute, aéroport, etc.)

Un autre avantage non négligeable de la ventilation est qu’elle peut servir durant la nuit à dissiper la chaleur qui s’est accumulée la journée en été.

4.1.4. Inconvénients

On peut pointer ici le fait que, du fait de la distribution de l’air dans toute la maison, la température est alors identique dans toutes les pièces. Dans la salle de bain par exemple, on aime en général avoir un peu plus de chaleur. On peut remédier à ce problème en installant un radiateur sèche-serviette branché sur l’eau chaude sanitaire ou un petit chauffage d’appoint électrique qui ne consommera de l’énergie que très ponctuellement. A l’inverse, dans les chambres, beaucoup de gens préfèrent avoir une température plus basse en hiver, alors qu’ils sont habitués aux températures plus élevées en été. C’est une sensation purement subjective, car il a été démontré que ce n’est qu’au-dessus de 21°C que le sommeil devient inconfortable. Si on souhaite assurer aux locaux des températures spécifiques, il est nécessaire de le prévoir dans la conception du plan.

Enfin, quand le système de ventilation est mal mis en œuvre, des problèmes de bruits (ventilateur, sifflement de l’air dans les canalisations, etc.) peuvent aussi apparaître. Des silencieux doivent être installés aux points critiques de l’installation. Les filtres doivent êtres entretenus, mais il existe des systèmes faciles à nettoyer ou à remplacer.

4.2. Comment ventiler ?

4.2.1. Principe général

Pour assurer le renouvellement d’air nécessaire, il faut pouvoir contrôler la ventilation ; de plus une ventilation trop importante constitue aussi une perte d’énergie. Enfin, la ventilation “à l’ancienne” par les inétanchéités de l’enveloppe du bâtiment est trop aléatoire : s’il y a peu de vent, le renouvellement de l’air sera trop faible et, au contraire, s’il y a beaucoup de vent, une sensation de courant d’air apparaîtra et les pertes de chaleur augmenteront.

Beaucoup de maisons ne sont ventilées aujourd’hui que par l’infiltration occasionnelle d’air par les interstices et les fentes et/ou par l’ouverture régulière des fenêtres. La recherche a démontré que les habitations belges sont globalement peu étanches à l’air ; malgré cela, même dans les habitations globalement très perméables à l’air, certaines pièces sont trop étanches et souffrent d’une aération tout à fait insuffisante.[2]

Depuis 1996, un système de ventilation est imposé en Région Wallonne pour les nouvelles constructions. Quatre systèmes sont envisageables :

- A : alimentation et évacuation naturelles;

- B : alimentation mécanique et évacuation naturelle ;

- C : alimentation naturelle et évacuation mécanique ;

- D : alimentation et évacuation mécaniques (“double-flux”).

Pour les maisons passives, seul le système D est applicable car c’est le seul à permettre la récupération de la chaleur sur l’air extrait, ce qui constitue une caractéristique indispensable des standards de la maison passive.

La ventilation mécanique contrôlée permet de gérer l’aération du bâtiment quel que soit le temps ou la saison. Par “gérer”, on entend que la quantité d’air, introduite dans le bâtiment est réglée en fonction des besoins, sans consommation d’énergie excessive .

fig063 Figure 63 : Les quatre systèmes de ventilation. (Source : Pour une amélioration de la performance énergétique des logements neufs, MRW, 2004)

Pour contrôler le sens du flux d’air, il faut pouvoir le canaliser. Classiquement, l’alimentation en air frais s’effectue dans les locaux “secs” (living, chambres,…) et l’évacuation de l’air vicié s’effectue là où la pollution de l’air est la plus importante, c’est-à-dire dans les locaux “humides” (cuisine, salle de bain, wc…) ou de services (hall…). Entre les locaux comprenant les dispositifs d’alimentation et d’évacuation, l’air circule par des “ouvertures de transferts” dans les portes ou les cloisons et via les couloirs et les escaliers. La différence de pression entre les dispositifs d’alimentation (zones sèches sous pression) et d’évacuation (zones humides en dépression) assure un flux d’air permanent dans le bon sens. On évite ainsi que les odeurs désagréables soient amenées de la cuisine ou des sanitaires vers le living ou les chambres.

fig064 Figure 64 : Sens du flux d’air (Source : Pour une amélioration de la performance énergétique des logements neufs, MRW, 2004)

4.2.2. Récupération de la chaleur

Un système de récupération de la chaleur à haut rendement (de 75 à 95% de la chaleur est récupérée) est indispensable dans une maison passive. Le système possède alors un échangeur de chaleur entre l’air vicié extrait dans les locaux humides et l’air entrant. Cet échange de chaleur est bien entendu réalisé sans mélange des masses d’air : ce sont les conduites d’entrée et de sortie qui se croisent intimement dans un dispositif appelé “échangeur à plaques” ou “échangeur à contre-courant”.

fig065 Figure 65: Principe de la ventilation double-flux. (Source : La ventilation mécanique, guide pratique pour les installateurs de techniques spéciales, DGTRE et FFC, Bruxelles, 2004)

Dans un logement traditionnel, la perte de chaleur due à l’aération (dans le cas d’une ventilation correcte) s’élève à 20…30 kWh/m².an. Dans une maison passive, grâce à la récupération de chaleur, cette perte se situe entre 2 et 7 kWh/m².an.[3] Ces technologies, qui existaient déjà avant la définition des standards de la maison passive, ont été rendues plus performantes avec le développement des maisons passives. La consommation électrique des appareils a également été améliorée et la plupart des systèmes fonctionnent aujourd’hui sur courant pseudo-continu (c’est-à-dire grâce à un transformateur intégré permettant aux ventilateurs de travailler à différents voltages, et donc à différentes vitesses de rotation), ce qui est beaucoup moins énergivore. La puissance absorbée est très faible et conduit à une économie de l’ordre de 50% par rapport aux moteurs à courant alternatif.

La ventilation occasionne certes une consommation supplémentaire d’énergie, mais celle-ci reste minime par rapport aux déperditions ainsi évitées. Le système D avec récupération de chaleur est en fait le plus économe en énergie des quatre systèmes de ventilation, ce qu’illustre la figure 66 qui indique la consommation d’énergie primaire pour chaque système. On constate qu’avec le système D, pour une demande de chaleur égale compensant les pertes par transmission de l’enveloppe, la consommation globale d’énergie primaire vaut 14 705 kWh, soit environ 80% des systèmes A ou C ou 59% du système B. Aussi, pour réduire encore la consommation d’énergie de la ventilation permanente, des ventilateurs à courant continu (DC) sont recommandés, ainsi que le réglage en fonction de la pollution de l’air (CO2, COV et/ou humidité[4]).

fig066 Figure 66 : énergie consommée par la ventilation en fonction du système utilisé. (Source : Pour une amélioration de la performance énergétique des logements neufs, MRW, 2004)

4.2.3. Déconnexion en été ?

On pourrait s’interroger sur l’utilité d’un système de ventilation en été où il est possible d’aérer par les fenêtres et éventuellement envisager son débranchement pour la période la plus chaude de l’année.

En réalité, la question ne se pose pas vraiment. Il est vrai que la récupération de la chaleur n’est plus nécessaire en été : un by-pass est prévu pour la court-circuiter (voir figure 65). Cependant, les autres avantages liés à la ventilation restent bien entendu d’actualité. Évidemment, si les fenêtres sont fréquemment ouvertes, la ventilation devient inutile et il vaut mieux la débrancher. Mais d’après les expériences d’occupants de maisons passives, lorsqu’on s’est habitué au confort de la ventilation, on n’a plus vraiment envie de s’en passer. Par ailleurs, certains systèmes permettent de couper la ventilation en pulsion : le système fonctionne alors comme un système C, avec une amenée d’air naturelle et une extraction mécanique.

D’autre part, grâce à un puits canadien (aussi appelé “puits provençal”), un rafraîchissement passif de l’air peut être envisagé en été en le faisant passer sous terre à une profondeur d’environ 1,5 m avant qu’il ne pénètre dans la maison. On peut considérer qu’il s’agit ici d’une climatisation passive. La température du sol est alors inférieure à la température extérieure : ce “puits” astucieux va donc utiliser la fraîcheur relative du sol pour tempérer l’air entrant dans le logement. On peut ainsi réduire la température de l’air entrant de 5 à 8°C. Des formules permettent de dimensionner un puits canadien37. Il semble que les meilleurs résultats soient obtenus par des conduites dont le diamètre est dimensionné en fonction du débit nécessaire, disposées avec une légère pente entre 1,50 et 2m de profondeur (de préférence sous l’eau) et sur une longueur de 30 à 40 m. Il est conseillé de prévoir un exutoire à condensat au bout de l’échangeur air-sol (la condensation peut se produire par temps d’orage en été).

fig067 Figure 67 : Principe du puits canadien.

Bien entendu, le système fonctionne également dans l’autre sens. En hiver, le sol à cette profondeur est plus chaud que l’air extérieur : l’air froid y est donc préchauffé lors de son passage dans les conduites. Le puits canadien peut remplacer la protection anti-gel de l’installation, ce qui réduit encore la consommation électrique de la ventilation.

4.2.4. Possibilité de chauffage en hiver

Nous avons vu que la ventilation, dans le cas d’une maison passive, sert aussi à distribuer l’appoint de chaleur nécessaire pour atteindre une température intérieure agréable sans devoir en augmenter le débit. Le chapitre “besoin en énergie” présentera plus tard différents moyens pour y parvenir.

4.3. L’ouverture des fenêtres

Lorsqu’on parle de maison passive, tout le monde s’interroge sur la possibilité et l’opportunité d’ouvrir les fenêtres. D’abord, à la différence des maisons traditionnelles, dans une maison passive il n’y a pas besoin d’ouvrir les fenêtres au sens où on le ferait pour avoir de l’air frais. Ici, l’air frais est bien présent grâce à la ventilation, sans avoir refroidit l’air ambiant pour autant. Si cependant on ouvre les fenêtres, pour une raison ou pour une autre, cela ne pose pas de problème pour autant qu’on ne les laisse pas ouvertes longtemps. En effet, la chaleur dissipée dans le cas d’une ouverture non prolongée est celle contenue dans l’air et, comme on sait, l’air ne peut contenir que peu d’énergie ; c’est dans la masse de la maison qu’est stockée la majeure partie de l’énergie. Au pire, l’ouverture des fenêtres provoquera une petite augmentation de la consommation. Inversement, par temps très chaud, il est conseillé de ne pas ouvrir les fenêtres pour maintenir la fraîcheur à l’intérieur du bâtiment, tout comme dans une maison de construction classique.

4.4. L’humidité de l’air

La vapeur d’eau produite par les sources internes d’humidité est diluée par l’air frais entrant qui, même s’il relativement humide, sera asséché à cause du préchauffage. Plus le volume d’air entrant est grand, plus l’humidité intérieure sera donc faible. Or, on sait qu’il y a inconfort en dessous de 30% d’humidité relative de l’air. Il faut donc éviter un débit d’air trop important pour ne pas descendre sous le seuil des 30%. [5]

Dans une habitation traditionnelle, un taux de renouvellement d’air de 0,5 à 0,8 volume par heure à une pression de 50 Pa suffit pour maintenir une humidité suffisamment basse pour éviter les problèmes de condensation et de dégradation des composants du bâtiment.[6] Dans une maison passive, ces problèmes ne se posent pas puisque les surfaces intérieures des parois sont trop chaudes pour qu’il y ait condensation, même avec une humidité relative de 60% ; de plus, les membranes d’étanchéité à la vapeur (pare-vapeur ou freine-vapeur) empêchent l’air intérieur humide de pénétrer dans les parois jusqu’à des éléments suffisamment froids pour que la condensation se produise.

Dans une maison passive, le taux de renouvellement de l’air peut donc être inférieur à celui d’une maison traditionnelle. On considère qu’un taux de renouvellement de 0,3 à 0,4 est suffisant. Cela maintient une bonne qualité d’air en gardant un taux d’humidité confortable. Cela épargne également de l’énergie puisque le débit d’air doit être moins élevé et les installations de ventilation moins puissantes. Si, malgré cela, on a encore une sensation d’air sec, il faut éventuellement remplacer le filtre anti-poussières du ventilateur et aspirer régulièrement la maison. En effet, la présence de poussière dans l’air accentue l’impression de sécheresse. Pour augmenter l’humidité ambiante, on peut aussi augmenter les sources internes d’humidité, simplement en ajoutant des plantes par exemple.




[1]Centre de la construction durable - Cedubo, 2003

[2]La ventilation des habitations, digest n°5, CSTC, 1999

[3]Passivhaus Institut, Lüftung im Passivhaus – höchste Effizienz ist unverzichtbar, Darmastadt, 2003, http://www.passivhaustagung.de/

[4]COV : composés organiques volatils

[5]Feist, Wolfgang, Recommendation for Inside Air Humidity in Winter, in Homes with Ventilation Systems, Particularly Passive Homes, Passivhaus Institut, Darmstadt, Decembre 2000

[6]ibidem



creative commons Site de Adeline Guerriat sous contrat creative commons