3. Isolation thermique

3.1. Pourquoi isoler ?

Dans une maison passive, il n’est pas rare de rencontrer des épaisseurs d’isolation de 30 à 40 cm, parfois plus, pour les murs, le toit et les planchers. D’autre part, les ponts thermiques ne sont absolument pas tolérés.

Compte tenu de l’installation de récupération de chaleur sur la ventilation, les déperditions thermiques restent principalement dues aux parois de l’enveloppe. En observant la figure 50 représentant l’équilibre thermique d’une maison passive (exemple à Hanovre), on constate que les éléments opaques de l’enveloppe (murs, toits, sols) restent responsables de 50% des pertes de chaleur.

fig050 Figure 50 : Equilibre thermique d’une maison passive du projet cepheus de Hanovre. (Source : Cepheus)

Bien isoler pour maintenir ces déperditions aussi basses que possible est donc indispensable au bon fonctionnement des maisons passives. Sinon, la demande de chaleur devient trop importante et la ventilation ne suffit plus à distribuer l’appoint. Pour pouvoir utiliser la ventilation comme appoint de chaleur, il faut donc drastiquement limiter les déperditions par l’enveloppe.

D’autre part, l’isolation vise également à garantir le confort thermique des habitants en assurant aux parois des températures de surface élevées. En effet, lorsque la température surfacique des parois présente une différence de plus de 3°C avec la température ambiante de la pièce, une sensation d’inconfort apparaît. Dans une maison passive, la température de surface de l’enveloppe à l’intérieur du bâtiment reste très élevée et proche de la température ambiante même par des températures extérieures très basses. Dans une maison “traditionnelle”, ce confort ne peut être obtenu que partiellement en plaçant les appareils de chauffage contre les murs et sous les fenêtres autant que possible.

Enfin, de cette température surfacique élevée couplée à une bonne ventilation découle un autre avantage : celui d’éviter la condensation et donc les moisissures. On sait que, à une température donnée, correspond une pression de vapeur saturante qui définit la quantité maximale d’eau présente sous forme gazeuse. Plus la température est grande, plus cette quantité est élevée. L’air ambiant contient donc de la vapeur d’eau qui condense au contact des parois plus froides, puisque l’air y est plus frais et ne peut donc contenir qu’une plus faible quantité de vapeur. Comme, dans une maison passive, la température des parois est proche de la température ambiante, ce phénomène risque donc beaucoup moins de se produire.

Enfin, si le confort est présent en hiver, il l’est aussi en été. En effet, l’isolant thermique travaille de l’intérieur vers l’extérieur et vice versa. Il permet donc, lorsque la température extérieure est plus élevée que la température ambiante, d’éviter un apport trop important de chaleur à l’intérieur.

3.2. Vérification de l’isolation

Plusieurs techniques permettent de vérifier la qualité de l’isolation.

La thermographie infrarouge est une méthode de mesure de température de surface sans contact physique. Elle est appliquée fréquemment dans le bâtiment pour surveiller l’isolation thermique des structures. La méthode permet l’identification rapide des points critiques et des ponts thermiques.

Pour un résultat optimal, les prises de vue sont effectuées tôt le matin avant le lever du soleil pour profiter de températures extérieures aussi basses que possible et d’un ciel sombre. Cela permet de minimiser l’influence du rayonnement solaire et d’obtenir une image plus contrastée.

L’inconvénient de cette méthode est qu’elle n’est réalisable que lorsque le bâtiment est terminé, ce qui rend malaisée toute modification.

Dans le cadre de Cepheus, la thermographie s’est montrée fort utile pour détecter quelques points critiques dans les projets réalisés, tels que des fuites autour des fenêtres ou certains détails de jonction. La figure 51 illustre une zone de froid dans le coin d’une pièce ainsi que des châssis moins isolants que le vitrage.

fig051 Figure 51 : Une image thermographique du projet de Steyr. (Source : Cepheus)

3.3. Comment isoler ?

La perte de chaleur à travers une paroi, un plancher ou un toit est mesurée par son coefficient de transmission thermique U (anciennement dénommé k dans les normes belges) exprimé en W/m²K.

La dénomination k utilisée dans les normes belges a été délaissée ici au profit de la formulation U, internationalement reconnue, car c’est cette dernière qui subsistera à terme.

Plus U est petit, meilleure est la performance. Par exemple, dans les mêmes conditions de températures intérieure et extérieure, un mur extérieur dont U vaut 0,3 W/m²K accuse des déperditions thermiques deux fois plus petites que celles d’un mur dont U atteint 0,6 W/m²K.

Le U moyen de l’enveloppe du bâtiment doit être inférieur ou égal à 0,15 W/m²K (0,1 W/m²K conseillé) pour respecter les standards de la maison passive. Il est clair qu’un U moyen aussi faible ne peut être obtenu qu’avec des matériaux performants, sous peine d’avoir une beaucoup trop grosse épaisseur d’isolant, comme le rappelle le tableau suivant.

tab01 Tableau 1 : Epaisseur des différents matériaux pour U = 0,13 (Source: Passivhaus Institut, Darmstadt)

Les matériaux se situant dans la partie basse du tableau sont acceptables comme isolants. Déjà avec des murs en ballots de paille de 40 à 50 cm d’épaisseur, une maison passive est concevable. Si on utilise un isolant conventionnel tel que la laine de verre, le polystyrène ou la cellulose, il faudra compter environ 30 cm tandis que si on se tourne vers la mousse de polyuréthane, on peut réduire l’épaisseur à 20 cm. Pour encore gagner de la place on peut choisir d’autres types d’isolant, mais ceux-ci reviennent alors beaucoup plus cher. Evidemment, une combinaison (pour la structure par exemple) avec un matériau non isolant est tout à fait possible, voire même nécessaire.

fig052 Figure 52 : Différents moyens d’isolation. (Source : Passivhaus Institut, Darmstadt)

L’épaisseur d’isolant dépend du type de matériaux, mais aussi du type de paroi à isoler. Par exemple, pour le toit, on isole beaucoup puisque cela ne présente pas de problème constructif d’avoir de plus grosses épaisseurs, par opposition aux murs où on essaie de minimiser l’épaisseur de la paroi. Pour le plancher, par contre, il faut moins isoler puisqu’il est en contact avec le sol, qui reste plus chaud que l’air extérieur (en hiver du moins) et que le flux de chaleur est moins important.

Pour que l’isolation soit efficace, il faut qu’elle soit mise en œuvre rigoureusement, c’est à dire avec une grande régularité et une bonne étanchéité. Pour certains types d’isolants, c’est la firme elle-même qui assure le placement. Par exemple, l’isolation en flocons de cellulose demande une méthode et un équipement spécifique qui ne sont pas accessibles à l’auto constructeur.

fig053 Figure 53 : Mise en œuvre de la cellulose comme isolant. (Source : www.isoflocs.ch)

3.4. Points critiques de l’enveloppe

3.4.1. Fenêtre

De tous les composants de l’enveloppe, la fenêtre est l’élément le plus critique à cause de ses multiples fonctions : outre ses qualités d’isolation, elle doit permettre la vue vers l’extérieur, être ouvrable et pouvoir se fermer parfaitement, et en plus, elle doit aussi capter un maximum d’énergie solaire.

Ces multiples fonctions ont rendu des développements technologiques indispensables et c’est d’ailleurs le composant de la maison passive qui s’est développé le plus rapidement et le plus efficacement. Dans les années ’70, les fenêtres étaient encore composées de simples vitrages et présentaient un coefficient U de 5,5 W/(m2K). Aujourd’hui, la Région wallonne impose un U maximum de 3,5 W/(m2K), tandis que dans une maison passive, la limite est ramenée à seulement 0,8 W/(m2K) ! Ces contraintes impliquent naturellement des châssis et des vitrages ultra performants.

Un coefficient U aussi bas peut seulement être atteint grâce à un triple vitrage. L’espace entre les vitres est rempli de gaz nobles tel que l’argon, afin de réduire le transfert de chaleur par convection. Pour diminuer également le transfert de chaleur par rayonnement, on utilise des verres à faible émissivité (Low-E), c’est-à-dire qu’on leur a ajouté une couche invisible d’oxydes métalliques qui laisse passer la lumière extérieure, mais bloque le rayonnement de chaleur provenant de l’intérieur de la maison. Il s’agit d’éviter les pertes, bien entendu, mais aussi de maintenir de hautes températures surfaciques intérieures tant pour une question de confort que pour éviter la condensation.

fig054 Figure 54 : Triple vitrage. (Source : Coupe dans un châssis Finstral)

On peut aussi utiliser un triple ou quadruple vitrage à film, c’est-à-dire que la vitre ou les vitres en position intermédiaire est/sont remplacée(s) par un ou deux film(s) transparent(s) ayant une valeur U adaptée aux standards de la maison passive (figure 55). Ce type de vitrage obtient de bonnes performances également avec l’avantage d’être moins épais et moins lourd.

fig055 Figure 55 : Alternative pour le triple vitrage. (source : Eurotherm)

La figure 56 compare un châssis traditionnel double vitrage et un châssis triple vitrage. Par simulation ou grâce à la thermographie, on peut avoir une idée précise des températures en différents points de la fenêtre. On constate assez aisément que la surface intérieure (à droite) du triple vitrage est plus chaude (orange) que la surface intérieure du double vitrage (jaune-vert).

fig056 Figure 56 : Comparaison double vitrage / triple vitrage. (Source : MB Benelux- caratherm)

Avec une telle isolation, le triple vitrage capte un peu moins de chaleur solaire (“coefficient g”) par rapport à un double vitrage classique. On arrive cependant à 60% de transmission, ce qui est largement suffisant pour respecter le critère établi à 50%. D’ailleurs, pour une raison financière, on se contente bien souvent d’un facteur g de 50% et d’une bonne orientation de la baie. L’important est d’avoir un bilan énergétique annuel positif pour la fenêtre, ce qui est le cas avec des triples vitrages et un facteur g de 50%. Par opposition, les doubles vitrages présentent un g plus élevé mais offrent un pouvoir isolant moindre, ce qui se traduit par davantage de déperditions en saison froide.[1]

fig057 Figure 57 : Isolation interne du châssis avec du liège. (Source : MB Benelux- Ewitherm)

Le degré d’isolation du châssis en lui-même est un autre facteur important. Il convient d’avoir un châssis absolument sans pont thermique. Pour y arriver, il existe de nombreux produits et le marché propose un nombre croissant de solutions. Certains fabricants offrent des châssis en bois avec des inclusions de mousse rigide de polyuréthane (basse conductivité thermique et haute qualité porteuse) ou de liège. Des châssis tout en bois sont également disponibles. Un “sur-châssis” en aluminium qui respecte également la norme a été développé pour des questions d’esthétique et de facilité d’entretien. D’autres fabricants proposent des châssis en plastique thermiquement isolant, ce qui est une solution moins onéreuse.

Les châssis destinés aux maisons passives offrent également une étanchéité à l’air améliorée grâce à une triple batée et des joints souples.

fig058 Figure 58 : Châssis triple vitrage avec triple batée. (Source : Deceuninck-Thyssenpolymer)

L’intercalaire disposé entre les vitres peut créer un pont thermique. En effet, un intercalaire en aluminium peut être responsable de 20 à 30% des pertes d’une fenêtre. Dans une fenêtre répondant aux standards de la maison passive, on utilise un intercalaire en acier inox ou en plastique et on encastre au maximum les vitres dans le châssis pour diminuer le plus possible leur effet de pont thermique.

Enfin, les excellentes qualités thermiques des fenêtres des maisons passives ne portent leurs fruits que si celles-ci sont mises en place correctement. Les problèmes surgissent en particulier dans les bâtiments en briques ou en blocs de béton qui présentent une conductivité thermique élevée. Si la pose est mal réalisée, la valeur U peut être pénalisée de 0,5 W/m²K à cause de la présence d’un éventuel pont thermique. En revanche, si la fenêtre est bien mise en œuvre, il est possible d’éviter tout pont thermique. La mise en œuvre est donc cruciale.

D’autre part, il faut aussi considérer l’inconvénient du poids assez important de ce type de châssis. Cela rend la mise en place plus difficile.

Inversement, un avantage implicite de ce type de fenêtre est l’insonorisation considérable qui en résulte, ce qui est toujours utile lorsque le bâtiment se trouve le long d’une voie fort fréquentée.

fig059 Figure 59 : Différents modèles de châssis homologués. (Source : Cepheus)

3.4.2. Ponts thermiques

Nous avons vu que les déperditions par les parois sont les principales sources de perte de chaleur dans les maisons passives. Ces pertes sont enregistrées au droit des parois, bien entendu, mais aussi et surtout, aux coins, aux bords, aux jonctions et aux articulations. Les endroits critiques sont typiquement : les seuils, là où un mur intérieur et un mur extérieur sont en contact, là où une dalle de sol touche le mur extérieur, les balcons et linteaux, etc.

Tous ces détails constituent les points faibles de l’isolation. D’une part, les ponts thermiques déforcent l’isolation et, d’autre part, ils favorisent l’apparition de condensation sur les parois intérieures, d’où un risque de formation de moisissures.

L’importance relative des pertes dues aux ponts thermiques augmente en même temps que le niveau d’isolation générale. Dans le cas d’une maison passive, le niveau de performance de l’isolation est très élevé : les ponts thermiques ont donc des conséquences importantes. Il est possible (et fastidieux) de calculer les déperditions dues aux ponts thermiques du bâtiment, mais cela n’apporte pas grand chose de le savoir, car il est plus important de les éviter que de les mesurer ! Les quatre règles suivantes permettent de réduire le risque de pont thermique [2]:

- Règle de prévention : dans la mesure du possible, ne pas interrompre l’enveloppe thermique ;

- Règle de pénétration : là où une interruption est inévitable, la résistance thermique dans le plan d’isolation doit être aussi haute que possible ;

- Règle d’articulation : aux articulations entre les éléments du bâtiment, les couches d’isolation doivent se rejoindre sans interruption ni décalage ;

- Règle de géométrie : préférer autant que possible les angles obtus ; les angles aigus favorisent en effet la dispersion de la chaleur.

fig060 Figure 60 : Zones à ponts thermiques. (Source : Optimisez votre maison, MRW, 2002))

Théoriquement, il faudrait calculer tous les ponts thermiques du bâtiment pour s’assurer qu’ils sont acceptables. Cependant, en se conformant aux quatre règles de bases, il n’est pas indispensable de faire tous ces calculs. En effet, il a été démontré, dans le cadre de Cepheus et au travers des projets réalisés, que le respect de ces règles entraînait une construction “thermal-bridge-free” (sans pont thermique). Toutefois, un calcul localisé reste nécessaire lorsque, pour des raisons techniques ou autres, il n’est pas possible de respecter ces règles.

fig061 Figure 61 : Linteau de fenêtre et image correspondante en thermographie . (Source : Hoffman et Dupont, http://www.eco-energie.be)




[1]Schnieders, Jürgen, Feist, Wolfgang, Für das Passivhaus geeignete Fenster, CEPHEUS-Projektinformation n°9, Passivhaus Institut, Darmstadt, 1999

[2]Feist, Wolfgang, Peper, Søren et Görg, Manfred, Final Technical Report, CEPHEUS-Projectinformation, n°36, Hanovre, juillet 2001



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